jeudi 24 mars 2011

Parce que l'Etat d'urgence et les lois anti-terroristes ne suffisent pas

L'article

Le conseil des ministres s'est accordé aujourd'hui sur un décret criminalisant les mouvement sociaux.

Cette disposition s'applique pendant la durée de l'état ​​d'urgence (indéterminé évidemment), et s'applique aux organisateurs, invités et participants de toutes manifestation, occupation, attroupement. Les coupables sont passibles de peines d'emprisonnement et d'amende pouvant s'élever à un demi-million de livres.

Une manifestation est appelée vendredi place Tahrir à 14h, pour que ça ne passe pas !


mercredi 23 mars 2011

Réouverture de la bourse et Répression des mouvements sociaux : la Révolution sociale n'est pas en option

Le moins qu'on puisse dire est que l'Etat égyptien, entendons l'armée, ne manque pas de clarté dans ses messages : pour que le commerce reprenne, il faut de la stabilité, et de la stabilité ça veut dire tout le monde la ferme.

Réouverture de la bourse implique stabilité
Aujoud'hui était annoncée la réouverture de la bourse égyptienne. Elle avait été fermée puis réouverte dans le courant de la révolution, voyant les cours s'effondrer. Le référendum passé, une large majorité se prononçant pour la stabilité, le pays est stable. Le fameux slogan "Construisons notre pays", scandé à overdose, devrait enfin pouvoir se mettre en place.
La majorité silencieuse s'est prononcé dans ce sens grâce à des canaux adaptés : un vote préparé en cinq jours, posé sur de mauvaises bases (réformes des amendements Mubarak ou le rien), soient les ingrédients pour limiter le débat politique, le formuler sur une base religieuse, et réactiver les bon vieux réseaux, ceux du Parti national démocrate et des Frères musulmans.
Donc parmi ceux qui se sont prononcés, seuls 23% ont voté pour une nouvelle constitution (NON). Cela donne toute légitimité à l'armée pour assoir le pouvoir de l'Etat, ramener le peuple, qui se serait "soulevé" momentanément, mais devrait retourner raisonnablement à son rang de bétail, comme le veut la démocratie.
La loi de la majorité... appel à l'unité à l'issue du référendum. Si cela a le mérite de refuser une opposition chrétien-musulman (utilisée comme telle dans la campagne, au sujet du deuxième amendement de la constitution qui stipule que la charia est la source principale des lois), ça témoigne d'une triste et pâle conception de la démocratie et du changement. Cinq jours de débat et c'est fini. La majorité fait confiance à l'armée pour assurer la transition, celle-ci peut réprimer les "bandits" qui militent pour des augmentations de salaires et/ou l'extraction des racines du système. Elle peut réprimer, torturer, la majorité est derrière elle. C'est la démocratie façon Moubarak, silencieuse et peureuse.
Or ceux qui l'ont fait tomber étaient nombreux, très nombreux, des millions mais qui si on les ramène en proportion représentaient environ  35% de la population au plus haut pic (en comptant 15 millions de manifestants). Une minorité donc, mais active. Ceux-là ont experimenté : la force collective, la solidarité au sens propre, ils ont touché la prise en main de leurs destins, la politique.
Or ce référendum mal débattu, mal posé, n'a, par définition, pas convaincu en profondeur. Ce qui signifie que la ligne séparant minorité active et majorité silencieuse confiante dans l'armée, comme garante de la révolution, peut se déplacer, rien n'est figé ; pour ce qui est de potentiellement prévisible par le biais de la contestation sociale, et il reste l'imprévisible, national et international.
Les évènements à venir pourraient former des points de focalisation conduisant d'un côté les multiples grèves à se radicaliser en se politisant, et de l'autre à des clarifications de classe dans le foisonnement politique et associatif.  
Pour l'instant les partis et associations fleurissent sans qu'aucun n'émerge encore réellement, des syndicats commencent à se construire. On s'organise dans les quartiers, par le biais ou pas des comités populaires pour revendiquer localement ou aux points de rencontre de la contestation : l'assemblée du peuple, le conseil des ministres, ou la télévision nationale par exemple.  Les grèves sont nombreuses dans des secteurs anciens et nouveaux tant du point de vue économique que de celui des traditions de luttes. La deuxième phase de la révolution est en cours : celle qui rampe, creuse des galeries, construit des passerelles, bondit puis redescend.

Et aux sommets de l'Etat on pense aussi que rien n'est stable. L'armée est dans une position favorable mais dangereuse et au ministère de l'intérieur ils ont tellement de documents à faire disparaître qu'ils ont réussi à déclencher un incendie hier ! (hypothèse fort probable, en tous cas plus que celle qui attribuait l'incendie aux officiers inférieurs de la police, rassemblés devant le ministère quand le feu a pris en haut de l'édifice).

Donc il faut "tuer dans l'oeuf" la contestation pour éviter qu'elle s'étende. L'armée avait bien commencé avant (répression de grèves, des derniers occupants - et observateurs - de la place Tahrir) mais jusque seule une  minorité du mouvement a fait l'expérience de l'armée comme force de maintien de l'ordre, utilisant la violence, la torture et ses tribunaux pour saper la contestation. Dans les mois à venir le nombre ceux à faire l'expérience devrait grandir, en tous cas le conseil des ministres a indiqué cette direction aujourd'hui.

Projet de décret criminalisant les mouvements sociaux
Car reprenons, aujourd'hui, jour de reprise de la bourse, alors que le ministère de l'intérieur a pris feu hier, alors qu'un nombre record de protestataires (en terme de diversité) étaient rassemblés devant le conseil des ministres, que la télévision nationale était en grève (20 000 salariés..), il fallait crier sur tous les toits que le pays est stable et s'il en a pas l'air ce n'est que temporaire. Le conseil des ministres s'est donc mis d'accord sur un projet de décret criminalisant les mouvements sociaux : tout individu organisateur, invité et participant à une manifestation, occupation ou un mouvement de foule est passible de peine de prison et/ou amende pouvant aller jusqu'à 1/2 million de livres égyptiennes.
Demain une manifestation est appelée à 14h place Tahrir, c'est rapide, mais c'est un début.

Intervention à l'université du Caire
Ils ont donné le soir même un aperçu musclé à l'Université du Caire. Les étudiants du département de mass communications organisaient un seeting depuis une dizaine de jours, réouverture de l'université, avec pour revendication principale la démission du directeur du département. Ce dernier, un ami de la famille et tout particulièrement de Gamal Mubarak, s'exprimait à la télévision nationale, où il a défendu ses amis, et le tissu de mensonges qui allait avec pendant toute la révolution. Une fois ses copains tombés il est resté à son poste. Et comme cela a eu lieu en de nombreux endroits et lieux de travail, les étudiants ont voulu la fin du régime autrement que sur le papier. Jusque là tout va bien. Dans la soirée, l'armée est intervenue dans l'université pour déloger les étudiants. La violence est directe : coups de matraques, taser, arrestations ; et profonde : les coups de feu en l'air pour terroriser, le fait que la torture est pratiquée par l'armée sur les détenus, que les condamnations sont prononcées par des tribunaux militaires : tout cela est maintenant su dans les milieux actifs et connectés.

Bref, la contre-révolution marque de sacrés points, et sans Mubarak, le système-Mubarak est bien défendu. Mais en en réprimant, torturant, condamnant les mobilisations sociales, en utilisant et en provoquant les tensions inter-religieuses, il montre ses faiblesses face à un ennemi qui n'est plus le même : une partie du peuple a relevé la tête.

Et que vive l'instabilité !

lundi 7 mars 2011

L'Armée réprime la grève des postiers

Le site Tadamon Masr raconte que l'armée vient de réprimer violemment l'occupation des postiers en grève dans le Fayoum. Plusieurs sont blessés et deux d'entre eux ont été arrêtés.

C'est définitivement par les grèves que la révolution sera portée en avant.